Astro-Portrait : Raymond Abellio « Le clerc obscur »


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C’est à Toulouse le 11 novembre 1907 à 20 h que Raymond Abellio, de son vrai nom Georges Soulès, voit le jour. Ingénieur de profession et écrivain : « Heureux les pacifiques », « Les yeux d’Ezéchiel sont ouverts », « La fosse de Babel », « Visages immobiles » comptent parmi les romans les plus singuliers de la littérature française. À cette vocation de romancier s’ajoute celle d’essayiste : « Vers un nouveau prophétisme », « La Bible, document chiffré », « Approches de la nouvelle gnose », « La fin de l’ésotérisme », « Assomption de l’Europe », « Manifeste de la nouvelle gnose », « Introduction à une théorie des nombres bibliques » (en collaboration avec Charles Hirsch) sans oublier son œuvre majeure, « La structure absolue ».

La puissance des angularités

Lorsqu’on se penche sur ses astralités, ce qui frappe d’emblée, c’est la forte présence d’angularité. Neptune-cancer à l’ascendant ; à la culmination : Saturne-Poissons et au coucher : Uranus-Capricorne. Dans ce trio se profilent les grandes lignes de sa vie et de son œuvre.
Neptune à l’Asc. en Cancer. Poséidon dans les eaux matricielles où les vagues de l’imaginaire enveloppent et entraînent le moi à la recherche perpétuelle de ses origines. Cette position signe son ouverture d’esprit, son intuition, son utopisme inébranlable, sa volonté tendue vers une réalisation collective et son intérêt pour la métaphysique et l’ésotérisme. Ces deux derniers points étant renforcés par la présence en Scorpion de la conjonction Mercure-Soleil, ce dernier formant un trigone à Neptune-Asc. Cette présence neptunienne donne toute sa richesse, sa diversité à son œuvre et comme le souligne Jean-Pierre Lombard : « L’œuvre de Raymond Abellio peut avoir d’abord ceci de déconcertant : elle est difficile à classer. […] Pour les uns il appartiendra aux “littéraires”, d’autres le rangeront parmi les “penseurs”, encore que là aussi on hésite entre la rubrique philosophique et la rubrique ésotérisme ! »

La charpente de la réalisation

Saturne-Poissons au M.C. Le squelette, la charpente de la réalisation tentent de maintenir un équilibre, d’imposer une ligne directrice, d’apporter une cohérence froide et lucide à une mobilité, une mouvance, parfois nébuleuse, dont les Poissons se délectent. Par son trigone à Neptune-Soleil-Mercure, Saturne soutient son esprit scientifique, son goût pour la recherche où rigueur, précision et concentration sont indispensables. Entre juin et août 1927, il obtient, après une seule année de préparation, le concours d’entrée à l’école polytechnique. Durant cette période, Jupiter et Uranus passaient en X. En juillet 1929, il en sort comme élève ingénieur des Ponts et chaussées. Uranus transitait la X au trigone de Jupiter-Lion natal en II. Fait important à noter également, il connait au début de l’année 1928 « une crise mystique » qui le conduit à rompre avec l’Union Sociale des Ingénieurs Catholiques (U.S.I.C.). Pluton transitait la I dans l’orbe de la conjonction à Neptune natal et au trigone du Soleil-Scorpion-V. Par ailleurs, comment ne pas lire au cœur de ce Saturne-Poissons-M.C. l’expression de son œuvre maîtresse : « La structure absolue » publiée en octobre 1965. Cette année-là, Saturne transitait les 12 ° des Poissons soit dans l’orbe de la conjonction de la cuspide du M.C. et du Saturne natal et au trigone de Neptune Asc. et du Soleil-Scorpion-V. Cet essai, qui s’inscrit dans la lignée de la philosophie de Husserl, et dans lequel se déploie une vision universelle de l’interdépendance, où se mêlent avec une subtile dialectique l’ontologie, l’anthropologie et la théologie, cet essai donc s’appuie à la fois sur la verticalité et la rigueur saturnienne ainsi que sur l’intuition et l’inspiration neptunienne.

 Uranus-Capricorne au coucher revisite le passé, bouscule, s’il le faut, la rigidité de la Tradition en remettant en cause certains de ses fondements.

Le balayage des vieilles lanternes

Prométhée explore la terre sèche du conservatisme et désire y balayer, de gré ou de force, les vieilles lanternes, les vieux préjugés sclérosants. Dans son opposition à Neptune-Asc et son semi-carré au Mercure-Scorpion, Uranus nous dessine la figure du révolutionnaire, du militant politique dont l’engagement s’étendra sur une douzaine d’années soit un cycle jupitérien lequel débute en 1930 par son transit en Cancer et se bouclera en 1943 par son retour sur lui-même Jupiter-Lion. C’est d’ailleurs durant l’année 1943 qu’il fait la connaissance de Pierre de Combas. Cette rencontre est déterminante puisque Pierre de Combas devient son maître spirituel sur la voie de l’ésotérisme. Cet enseignement le fera se détacher progressivement de la politique. Au cœur de ce rendez-vous, ne voit-on pas également se profiler la présence de Jupiter qui, par son retour sur sa position au natal, symbolise la manifestation du guide incarné en la personne de Pierre de Combas ? « […] Sur un certain plan d’exégèse biblique ou d’enseignement verbal, P. de Combas était irremplaçable. Je n’ai pas connu d’homme plus évocateur, plus illuminateur. Là, il touchait au noyau fondamental, irréductible et indestructible de l’ésotérisme. […] C’est par lui au fond que j’ai découvert le structuralisme… » Extrait des entretiens avec M.T. de Brosses.

 

Raymond Abellio

 

Le parcours politique

Retracer point par point le parcours politique d’Abellio demanderait une étude à part minutieuse tant le caractérise toute la complexité neptunienne. Cependant, pour indication, voici une courte présentation chronologique des moments clefs de son cheminement politique :

— En octobre 1931, il adhère au groupe des Jeunesses socialistes du XIV arrondissement puis, en décembre de la même année, dès sa fondation, au Centre polytechnicien d’études économiques (X-Crise).
— Au début de l’année 1932, il entre au Parti socialiste SFIO et participe comme militant à la campagne électorale de 1932. En mars de la même année, il fonde avec les militants d’extrême gauche d’X-Crise, le Groupe polytechnicien d’études collectivistes. Dans le même temps, il est admis dans la Maçonnerie (Loge Lalande, de la Grande Loge de France). Jupiter transitait son Jupiter-Lion-II natal. En octobre, il est nommé ingénieur au service ordinaire des Ponts et chaussées de la Drôme, à Valence.
— En avril 1935, il se présente aux élections municipales de Valence sur la liste de Jules Moch. En mai de la même année, à la suite de la déclaration Staline-Laval, il rompt avec les communistes. En septembre, il adhère à la « Gauche révolutionnaire » fondée par Marceau Pivert à Paris. Jupiter transitait la conjonction Soleil-Mercure-Scorpion.
— En septembre 1936, il est chargé de mission au ministère de l’Économie nationale. Au sein de la Gauche révolutionnaire, il est nommé membre du comité directeur et participe à l’Union des techniciens socialistes. En décembre, il devient, à l’Hôtel Matignon, chef de service des grands travaux. Saturne transitait la cuspide du M.C. et revenait sur sa position natale : premier cycle de Saturne bouclé avec maestria ! Notons au passage que Jupiter transitait le Sagittaire en VI et se mettait ainsi au trigone de Jupiter-Lion natal.
— Début de l’année 1937, rédaction de plusieurs articles dans la revue « La Gauche révolutionnaire » qui change de nom pour devenir « Les Cahiers rouges ».
— En 1939, il est à nouveau sollicité pour reprendre son activité à la loge Lalande. En juin, délégué au congrès socialiste de Nantes, il est à nouveau élu au comité directeur du parti. Jupiter transitait le M.C. Le 24 août, il est mobilisé en tant que lieutenant au 6e régiment du génie à Angers.
— En mai 1940, il participe à la campagne de Hollande et de Belgique. Livre bataille le 22. Fait prisonnier à Calais le 26, il fera neuf mois d’oflag en Silésie.
— En mars 1941, il est mis en congé de captivité et reprend son service d’ingénieur à Versailles…
Il n’est pas nécessaire de pousser plus avant l’énumération pour démontrer son rôle actif dans le monde politique et social. L’axe d’horizon où nous trouvons l’opposition Neptune/Uranus est suffisamment éloquent. D’un côté, l’utopiste, l’inspiré, militant pour un monde meilleur, adhérant aux valeurs d’extrême gauche (sa lecture de l’œuvre politique et historique de Karl Marx sera déterminante), tout ceci nous parle de Neptune. Et, en face, son vis-à-vis, Uranus qui marque le révolutionnaire, l’empêcheur de tourner en rond, proche de la sensibilité surréaliste. Il conclut son introduction à « La structure absolue » en ces termes : « […] La conscience transcendantale occupe en permanence le centre immobile qui est le moteur de la structure. (Trigone Saturne-M.C. à Neptune-ASC) C’est ce même point idéal, où tous les couples d’oppositions cessent d’être perçus contradictoirement, que voulaient atteindre les surréalistes, qui furent les seuls révolutionnaires intégraux de ce siècle (Uranus semi-carré Mercure). L’activité onirique ou poétique à laquelle ils se confiaient ne pouvait les y conduire, pour de courts moments, que par une extrême tension de ses puissances. Le moment est venu pour la conscience claire de se tenir en ce point sans effort et sans artifice et d’y transfigurer le rêve et la poésie mêmes. (Neptune-Cancer-asc trigone Soleil-Scorpion-V) »

Trajectoire ambiguë

C’est en 1941 qu’il fait la connaissance d’Eugène Deloncle (chef de la Cagoule) et que sa trajectoire prend une tournure pour le moins étrange pour ne pas dire ambiguë. Pendant deux années, il mène une activité au sein du « Mouvement Social Révolutionnaire » d’extrême droite (M.S.R.) dans lequel il crée une fraction clandestine ayant pour but d’éliminer Eugène Deloncle. En parallèle, il établit des contacts avec la résistance. Dans cet écartèlement entre extrême droite et résistance se manifeste l’opposition Neptune-Uranus sur l’axe d’horizon.
En 1943, avec Armand Petitjean et Jean Maze, il organise un groupement clandestin nommé « Mouvement unitaire » dont l’objectif est de créer une future réconciliation entre Vichy et Londres ! Projet utopique, s’il en est et toujours dans la lignée de l’opposition Neptune-Uranus ! Ces activités insolites lui valent une condamnation le 10 octobre 1948 par contumace à dix ans de travaux forcés pour avoir été, sous l’occupation allemande, l’un des dirigeants du M.S.R. (Pluton transitait le Lion aux 16° soit en conjonction avec le Jupiter natal et formait un carré au Soleil-Scorpion natal et une opposition à Lune-Mars en VIII. Quelques jours auparavant, Mars avait transité l’amas en Scorpion. Neptune transitait la IV et se mettait ainsi au carré de lui-même et de l’Asc. Et enfin, Jupiter transitait le 23° du Sagittaire en VI se mettant à l’opposition de Pluton en XII et au carré de Saturne au MC.) Après un supplément d’informations, il est acquitté en octobre 1952 devant le tribunal militaire de Paris après les témoignages du général Guillain de Bénouville, de Jean Gemähling et de Raymond Le Bourre. (Uranus transitait les 18° du Cancer en I en conjonction de Netpune-Asc. et au trigone de Soleil-Mercure-Scorpion et de Saturne-Poissons-M.C.)

Dans une lettre rédigée à Paris le 3 novembre 1950, Mr Jean Gemähling, ex-chef national du réseau KASANGA (Service de Renseignements du Mouvement de Libération Nationale) insiste sur le rôle primordial que tint Abellio. En effet, grâce à lui, le Service de Renseignements reçut des informations de la plus haute importance les avertissant de mesures préparées contre la Résistance par les autorités d’occupation, par les organismes collaborateurs ou encore par la police française. « Ces renseignements étaient exploités immédiatement par notre service et par d’autres services de la Résistance, puis copie en était transmise au B.C.R.A. de Londres, à l’état-major des F.F.I. à Alger et aux services américains en Suisse. » Extrait de la lettre reproduite dans « Sol invictus » (tome III des Mémoires de Raymond Abellio. Ed. Ramsay).

Se jouer de la réalité

Cette capacité à pouvoir évoluer en clerc obscur, à fomenter des complots, à tenir le rôle d’agent double, n’est-elle pas à mettre en rapport avec ce Neptune-Asc.-Cancer au trigone du Soleil-Scorpion, Mercure étant de surcroit en conjonction du Soleil ? Ce Mercure au quinconce de Pluton-XII et au semi-carré d’Uranus signe toute la dualité faustienne et prométhéenne du personnage. Se jouer de la réalité, se fondre dans la multitude, là l’ascendant Cancer nous parle davantage du clan, du groupe clandestin renforcé par la maîtrise de la Lune qui se trouve en VIII, analogiquement secteur du Scorpion où se trament les choses cachées, occultes. La Lune se trouve en Verseau sous la maîtrise d’Uranus que nous trouvons en VI (angulaire à la VII) d’où la note de marginalité et de rupture permanente dans les activités. Dans l’opposition Neptune-Asc. à Uranus-VI se joue cette lutte entre les forces de rassemblement, de communion et la radicalité, l’extrémisme dans lesquels Abellio s’est trouvé aux prises. De plus, dans le grand carré Soleil-Mars-Jupiter, le défi est lancé en permanence afin de s’éprouver dans l’adversité laquelle cristallise les valeurs d’une virilité en mal d’affirmation.
Cette inclination à la manipulation, à jouer l’illusionniste, à jongler avec les contraires ne s’arrête pas là. La présence du couple Mars-Lune-Verseau-VIII marquera sa renaissance. Mars et Lune sont respectivement second maître du signe solaire et maître d’Asc. Jusqu’à présent, nous avons suivi Mr Georges Soulès à travers tous les méandres d’une vie riche, sinueuse et pleine de rebondissements.

Naissance de Raymond Abellio

En janvier 1947 paraît un livre intitulé « Heureux les pacifiques » (titre Neptunien) dont l’auteur est un certain Raymond Abellio. Ce livre obtient le prix Sainte Beuve en avril de la même année (Jupiter transitait le couple Soleil-Mercure-Scorpion). À partir de cette date, Georges Soulès tire un trait définitif sur son activé politique et, par cet acte, meurt à lui-même pour donner vie à Raymond Abellio qui entamera une autre quête tout aussi révolutionnaire, mais celle-ci axée sur la Connaissance, la révolution intérieure. Le transit de Pluton sur le Jupiter natal en II au carré du Soleil-Scorpion et à l’opposition du couple Mars-Lune-Verseau-VIII constitue le creuset de cette métamorphose. Pluton-Hadès, dieu des enfers : « Pourtant, aujourd’hui, je crois avoir fini la relation de mon enfer. C’était bien l’enfer ; l’ancien, celui dont le fils de l’homme ouvrit les portes. » (« Une saison en enfer » A. Rimbaud : Soleil-I à l’opposition de Pluton-VII). Pluton, le spéléologue de l’âme humaine, gouverneur de la VIII mort/renaissance, secteur initiatique : « Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir. » (L’enfer de Dante). Il nous confronte à notre abîme intérieur, nous fait pénétrer dans nos corridors d’ombres et de cendres, qu’il nous faut explorer et exorciser pour renaître sur un plan supérieur. Pluton, le grand alchimiste, on peut déclarer sans l’ombre d’un doute que George Soulès aura pactisé avec lui afin de donner au monde « l’Autre » à savoir Raymond Abellio qui, de cette transmutation, plongera corps et âme dans la quête métaphysique. C’est en somme le Phénix qui renaît de ses cendres, si cher au Scorpion. 
Ainsi, débute au grand jour la carrière de Raymond Abellio romancier et essayiste. 
« Les yeux d’Ezéchiel sont ouverts » sera le titre de son second roman qui sera publié en janvier 1950. Titre évocateur d’une prise de conscience sensible et irréversible. Ce roman s’inspire, comme la majeure partie de ceux qui suivront, de tout son passé. Une critique en profondeur du système politique par le prisme d’une métaphysique qui s’inscrit dans la pensée gnostique de Me Eckhart. Mais ce besoin de confidentialité, de relations secrètes ne le quittera pas pour autant puisqu’entre 1950 et 1953, il tentera de fonder discrètement le « Cercle d’études métaphysiques » dont l’existence sera brève. Un journal ronéotypé et 13 fascicules portant le titre général « Dialectique de l’initiation » (qui constitueront la base de la première version de la « Structure absolue ») seront publiés à l’intention des membres. De nouveau, nous retrouvons cette richesse intellectuelle, ce souci de l’ombre désirant s’affirmer, s’incarner dans un but précis au cœur du triangulaire en signe d’eau Neptune-Cancer-Asc/Saturne-Poissons-M.C./Soleil-Mercure-Scorpion-V.
— En janvier 1957, il fonde avec René Alleau une filiale de la Bellière pour l’exploitation de brevets d’électronique (Saturne transitait les 10° du sagittaire en VI au trigone de Jupiter-Lion-Natal-II en conjonction d’Uranus en transit.). 

— En juin 1962, il participe au congrès de la Société du symbolisme à l’UNESCO en compagnie de Paul Ricœur, Gilbert Durand, René Alleau et Carlo Suarès. « La fosse de Babel », son troisième roman, paraîtra en juillet (Jupiter transitait les 11° du Poissons formant un double trigone au Soleil-V et à Neptune-Asc). Drameille, le héros central de ce roman, a pour ambition de former des surhommes capables de mener l’humanité à un destin supérieur. Pour former ce groupe, il essaiera de provoquer des conflits entre les différentes « castes » d’individus : fascistes, communistes, réformistes chrétiens, technocrates. Il n’hésitera pas à les mettre en compétition de façon à ne garder que les meilleurs. De nouveau, le vécu se mêle à l’imaginaire, mais n’était-ce pas plutôt l’inverse dès le départ, c’est-à-dire l’imaginaire qui créait le vécu ? En effet, dans la trame de « La fosse de Babel », nous suivons le parcours antérieur de Soulès. Le triptyque Neptune-Saturne-Uranus jouant à plein dans la dynamique du texte avec la note Scorpion qui teinte de mystère l’aura des personnages.
— En 1969, il créera aux éditions Jean-Claude Lattès, la collection « En marge » et, en 1971, il participera au 6e colloque de l’Alliance mondiale des religions. Les autres participants étant Maryse Choisy, le cardinal Daniélou et des représentants des principaux courants religieux.

Nous allons quitter le domaine des manifestations publiques et des publications pour nous orienter vers la sphère affective. En effet, l’amour représentait à ses yeux une importance capitale, c’était l’unique voie pouvant mener à la Connaissance. Dans « La fosse de Babel », il écrit : « Écrire et aimer sont les deux seules expériences originelles et ultimes. » Il déclara aussi d’autre part que la tragédie ultime du monde n’est pas la politique, mais l’amour. « […] on peut tricher dans la politique militante habituelle, c’est un jeu tout extérieur où l’on peut se raconter des histoires tandis qu’on ne peut pas s’en raconter dans l’amour ! […] il y a toujours, dans la politique, entre l’homme et le monde, tout un coussin protecteur fait d’idéologies et d’illusions, très commode pour ménager les petites vanités. Il ne peut pas y avoir de vanité en amour, on y est tout nu. » Le sextile Lune-Verseau-VIII à Vénus-Sagittaire-V oriente l’expression des sentiments vers une exaltation et une sacralisation par lesquelles la puissance de l’amour peut, à elle seule, devenir le détonateur d’un bouleversement, d’une transformation intérieure qui, par voie de conséquence édifiante, permettrait de changer la vie.

La femme, l’amour

Dans son œuvre, Abellio a développé la théorie de la « femme originelle » et de la « femme ultime ». Il appelle « femme originelle » la femme instinctive, presqu’animale, capable d’une réceptivité immédiate. L’acte sexuel pour elle se déroule dans un certain état de « non-conscience ». Tandis que pour la « femme ultime » dont la féminité est tout aussi intense que possible, tout s’accompagne d’une conscience aiguë. Il précisera lors d’une critique sur la femme intellectuelle moderne (qu’il associe à la femme virile) qui tend à se masculiniser en voulant s’affirmer sur le terrain masculin sans discernement de ses propres valeurs féminines : « L’intelligence de la femme ultime n’a rien à voir avec celle de la femme virile, elle reste intuitive, ce qui n’empêche pas sa conscience d’être devenue autonome et d’affirmer de plus en plus nettement sa séparation. » La conjonction large Lune-Mars-Verseau-VIII projette l’anima vers une femme porteuse de valeurs masculines, viriles, peu orthodoxes pour laquelle l’expression de la sexualité passe par une forme de domination. Le sextile Lune-Vénus, par compensation, tente de rétablir une harmonie par la création d’une image sublimée de la femme qui s’abandonne totalement à sa féminité et par laquelle l’homme peut parvenir à sa propre réalisation. Mais le semi-carré Lune-Saturne marque de son sceau une certaine frustration reléguée par l’opposition Lune-Jupiter qui lui faisait dire que l’amour porté à un seul être, et uniquement à un seul être ne pouvait se solder que par un échec. Neptune-Cancer-Asc. maîtrisant la Lune-Verseau-VIII…

Dans sa théorie de la sexualité, Freud avait dégagé trois types féminins spécifiques : la renonciatrice, la revendicatrice et l’acceptatrice. On peut avancer le fait que dans la vision d’Abellio et dans la manière dont les femmes évoluent au sein de ses romans, la revendicatrice et l’acceptatrice se confondent avec, cependant, une prédominance pour cette dernière. Dans la revendicatrice s’expriment les tendances à la virilité, c’est la militante, l’intellectuelle que l’on rencontre notamment dans « La fosse de Babel ». En revanche dans l’acceptatrice, c’est l’expression frissonnante de la féminité, la réceptivité à fleur de peau, la femme prête à aimer et à être aimée, dont Sylvie dans « La fosse de Babel » en est la parfaite expression. Une fois encore Abellio mêle les genres, les « dialectise ». La frontière n’est guère simple à définir, mais, avec un Neptune-Cancer à l’ascendant, pourquoi vouloir chercher une frontière puisque sa vision universelle les transgresse ? Et avec un Uranus à l’opposé on peut dire que la transgression s’impose bon an mal an !

Vers la mutation idéale

Raymond Abellio, l’explorateur labyrinthique aux effets de brume, l’intercesseur du jour dans les incidences de la nuit, se plaît à brouiller les pistes non pour nous perdre ou nous désorienter mais, au contraire, pour nous tenir en alerte, pour nous mieux orienter, nous inviter à voir par et en nous-même pour ensuite emprunter à notre tour, et avec toute la rigueur exigée, le chemin qui mène à la Connaissance.
« […] Qu’est-ce que l’amour sinon un moyen de communiquer directement par la totalité du corps ? Mais nous ne possédons pas assez notre corps pour ne pas trahir l’amour. Le roman auquel je rêve devrait être alors non seulement une méditation sur ce sujet même de la communication sans signes et sans langage, mais la mise en acte de cette communication, une façon nouvelle de faire l’amour… L’homme de connaissance, qui explore la distance entre l’omniscience et l’omnipotence, ne peut que rêver à une humanité douée de nouveaux moyens de communication. Disons, si vous voulez, de nouveaux pouvoirs. Ces nouveaux pouvoirs, il ne les cherche pas pour lui, car il est dépersonnalisé, mais au non d’une humanité en voie de mutation idéale… » Raymond Abellio, extrait des entretiens avec M.T. De Brosses. Ed. Pierre Belfond.

Fabrice
 Pascaud
Étude publiée dans la revue L’astrologue n° 127 (troisième trimestre 1999)

À propos de l'auteur : Fabrice Pascaud

Astrologue et tarologue. 40 ans d’expérience. A été membre du comité de lecture de la revue « L’astrologue » fondée en 1968 par André Barbault. A exercé conjointement à son activité d’astrologue et de tarologue, le métier de journaliste durant 23 ans. Ses compétences ont été saluées par 4 étoiles dans le Guide de la voyance d’Anne Placier.

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Catégories : Astrologie
Publié le : 23 décembre 1999Dernière mise à jour : 15 octobre 2023Mots-clés :

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